POLLUTION DES PISTES POUR SOIGNER LES SOLS
S'ils ne sont pas morts, certains sols sont agrémentés de divers contaminants. La dépollution par les plantes en est à ses débuts mais reste prometteuse.
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Activités industrielles ou minières, grandes agglomérations, pratiques agricoles (épandages de boues, utilisation de cuivre et de produits phytos), les sources de contamination des sols sont multiples et s'ajoutent à la présence naturelle, selon les roches..., de polluants. « S'il n'existe pas de valeurs limites à ne pas dépasser, excepté pour les sols qui reçoivent des épandages, on est aujourd'hui en mesure de détecter des valeurs très basses de ces contaminants organiques ou métalliques, précise Antonio Bispo, ingénieur sol et environnement à l'Ademe. Mais leur présence n'implique pas obligatoirement un effet biologique. » En fonction de leur nature, des caractéristiques du sol et des conditions de milieu (pH, humidité), les contaminants sont plus ou moins mobiles et plus ou moins biodisponibles. « Il est courant de constater que seule une infime fraction des contaminants présents dans les sols est biodisponible (moins de 1 % de la quantité totale) », note l'Ademe. La phytodisponibilité désigne plus particulièrement la quantité de contaminants qui peut être transférée dans la plante durant son développement. La plante les prélève par les racines à partir de la solution du sol, et ils se retrouvent ensuite dans la sève. Ils se répartissent alors dans tous les compartiments de la plante. Plusieurs leviers agronomiques permettent de limiter cette phytodisponibilité.
Le chaulage. Pour beaucoup d'éléments traces métalliques, la biodisponibilité diminue avec la hausse du pH.
Les apports de matières organiques immobilisent la plupart des éléments.
Fertilisation, techniques culturales, lieu et année. L'effet de la quantité et de la forme d'azote est encore à tester mais il pourrait exister en jouant sur le pH. De même pour le phosphore. Les critères de lieu et de moment dans l'année auraient un impact sur la teneur en éléments mais cela reste à préciser.
Espèces et variétés. Le blé dur est la céréale qui retient le plus de cadmium. Certaines variétés sont plus accumulatrices que d'autres. Des programmes de recherche sont en cours tels que Cadur, d'Arvalis et de l'Inra. Le but est de mettre au point, d'ici à 2014, un modèle de prédiction de la teneur en cadmium dans le grain du blé dur et de hiérarchiser les différents moyens de gérer le risque de cadmium dans la céréale. Depuis 2011, un autre programme, Casdar Muticontaminations, réalise des suivis de niveaux de contamination sur différentes cultures et tente d'identifier des facteurs explicatifs des plus élevés.
LES PHYTOTECHNOLOGIES À TÂTONS
Pour les sols très pollués, où les leviers agronomiques ne suffisent pas, les phytotechnologies qui permettent d'extraire, d'accumuler ou de dégrader les éléments dans les plantes constituent une alternative ou un complément aux techniques conventionnelles de gestion des sols pollués. Les plantes ont des aptitudes différentes à prélever ou à accumuler des contaminants. Mais si « les phytotechnologies restent encore émergentes sur ce marché, avec 5 800 tonnes de terres traitées en 2010, pour l'Ademe, elles constituent des solutions technico-économiques particulièrement adaptées aux sites à vastes surfaces polluées ».
Parmi les avantages des phytotechnologies, on compte déjà ceux liés à la couverture du sol tels que la lutte contre l'érosion, l'envol de poussières, le lessivage et la restauration d'une microflore et d'une microfaune. Selon l'Ademe, les principaux avantages sont « leur adéquation avec les principes du développement durable, la possibilité d'une gestion in situ des terres (par rapport aux techniques nécessitant excavation et transport) et d'une valorisation foncière (aménagement paysager). » En revanche, les phytotechnologies nécessitent un délai assez long et les plantes n'ont accès qu'aux polluants qui sont dans le sol colonisé par leurs racines. Parmi les phytotechnologies, trois techniques sont particulièrement prometteuses.
La phytostabilisation. Les plantes permettent de réduire la mobilité des éléments traces, notamment le zinc, le cadmium, le plomb, le cuivre, le chrome et l'arsenic. Cette technique (voir ci-contre), en phase d'essai à l'échelle du champ, stabilise les polluants par transferts horizontaux et verticaux limités, mais ne dépollue pas. Si des amendements sont fournis aux plantes, il s'agit de phytostabilisation aidée.
Les plantes ont été sélectionnées pour accumuler les polluants dans leurs racines ou les précipiter dans la zone racinaire. Il y a donc un transfert limité de polluants dans les parties aériennes et la biomasse produite peut être valorisée en filière bois énergie s'il s'agit de miscanthus, peupliers et saules, en filière méthanisation pour le maïs, le tournesol, la luzerne ou le blé, en écomatériaux pour le miscanthus, en biocarburants pour le blé, le maïs, le tournesol...
« Les enjeux de la phytostabilisation concernent les phases de suivi et de surveillance de la technique pour garantir un niveau de maîtrise des impacts au moins équivalent à celui des techniques conventionnelles de gestion des sites pollués », estime l'Ademe. Il faut donc réaliser le suivi de la qualité du couvert végétal et des transferts des éléments traces dans les plantes, le sol et les eaux.
La phytoextraction. L'objectif est d'extraire les polluants (éléments traces et notamment le cadmium, le zinc, l'arsenic et le nickel) et de les stocker dans les parties aériennes récoltables de la plante. Il s'agit donc de dépollution mais l'application pratique en est à ses débuts. Si des amendements sont fournis, on parle de phytoextraction aidée ou assistée. Il existe des plantes hyperaccumulatrices telles que Thlaspi caerulescens pour le zinc et le cadmium, et d'autres peu accumulatrices. Les premières stockent des concentrations de polluants au moins dix fois plus élevées que celles rencontrées dans des plantes se développant sur le même sol. Cependant, elles sont souvent à croissance lente et à plus faible biomasse que les autres espèces.
D'autres plantes sont accumulatrices à forte biomasse, avec des concentrations significatives de polluants mais non hyperaccumulatrices. Des couples plantes/polluants existent (lire ci-contre).
La phyto et rhizodégradation. Son objectif est de dégrader les polluants organiques (pesticides, HAP, PCB...) en constituants plus simples et moins toxiques en utilisant des plantes (phytodégradation) et des micro-organismes présents dans l'environnement des racines (rhizodégradation). Il s'agit donc de dépollution mais, comme la phytoextraction, l'application pratique de cette technique n'en est qu'à ses débuts.
Les espèces végétales doivent donc être capables de dégrader les polluants organiques ou de favoriser la biodégradation microbienne. Pour les pesticides tels que l'atrazine, le DDT ou l'alachlore, la luzerne, le maïs, le pois et le trèfle sont préconisés. Des amendements chimiques ou organiques peuvent être apportés pour accélérer les vitesses de dégradation des polluants organiques par la flore microbienne.
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